Mon clavier, cet outil négligé

clavier

Si vous me lisez, il y a de grandes chances pour que vous travailliez au quotidien avec un clavier d’ordinateur. Mais vous êtes-vous déjà interrogé sur votre usage du clavier ? Car c’est souvent un outil que l’on néglige, par méconnaissance, alors que c’est un outil principal, si ce n’est le principal.

Ergonomie du poste de travail

Vous travaillez probablement sur un laptop, aussi je souhaite vous encourager très fortement à utiliser un clavier externe. Pourquoi ? Tout simplement parce que c’est ce qui est recommandé pour avoir une position ergonomique de travail.

Ergonomie poste de travail

Le choix du clavier

À l’heure où le télétravail se démocratise, nous sommes devenus nomades et il est tentant de faire le choix de la simplicité et de ne pas s’encombrer d’un clavier externe. Je pense que c’est une erreur : notre confort quotidien ne peut être troqué contre une telle considération. D’autant que nous avons l’embarras du choix, car il existe de nombreuses tailles différentes de clavier en partant du “bon vieux clavier complet” (104 touches) pour aller vers les plus minimalistes (il existe des claviers 1 touche 🙂). Voyons ensemble ce qui existe et ce qui reste dans l’”acceptable”.

100% : le clavier complet

96% : complet mais en version compact

75% : le pavé numérique disparaît

65% : la ligne des touches Fn disparaît

60% : les flèches et boutons d’actions disparaissent

40% : la ligne des chiffres disparaît

La réduction de la taille fait que des touches directes disparaissent mais cela ne signifie pas que les caractères ou actions ne sont plus accessibles. Il faut simplement utiliser une touche de composition, exactement comme lorsqu’on utilise la touche majuscule (Shift) pour faire un chiffre.

Des formes différentes

Il existe aussi des claviers de différentes formes, certains étant même divisés en 2 mains. Tout cela toujours dans un but ergonomique.

Les extrêmes

Enfin, il existe même des claviers dont le design est en totale rupture avec ce que l’on connaît. Bien ou pas ? Je vous avoue que je ne sais pas. Auriez-vous su que c’était un clavier si je ne vous l’avais pas dit ? Moi non ^^.

Comment taper ?

Maintenant mettez-vous à la place de quelqu’un qui ne travaille pas devant un clavier toute la journée. Que pensez-vous qu’il dirait si on lui demandait “D’après toi, est-ce que les personnes travaillant devant un clavier savent taper dessus sans le regarder et avec leurs 10 doigts ?”. Sa réponse serait probablement “Oui”. Mais, la réalité est que la réponse est plutôt “Non”.

Le principe

Avant toute chose, il n’y a aucune honte à ne pas savoir taper sans regarder son clavier et sans utiliser ses 10 doigts. Après tout, personne ne nous a jamais appris à le faire (et c’est bien dommage). Commençons par voir comment on est censé placer ses mains et les responsabilités de chaque doigt.

Sur un clavier classique

Les doigts sont placés sur une ligne. L’index de la main gauche sur le F et celui de la main droite sur le J. Vous avez d’ailleurs un repère en relief (souvent un tiret ou un point) sur ces 2 touches, qui vous permet de bien placer vos doigts sans jamais avoir besoin de regarder le clavier pour vous replacer. Essayez !

Vous noterez que les responsabilités sont assez différentes selon les doigts. On constate notamment que l’auriculaire droit est responsable de beaucoup de touches, réparties sur plusieurs colonnes. On note aussi que les pouces ont assez peu de responsabilités.

Savez-vous qu’il existe des claviers dont le but est de rééquilibrer les responsabilités entre les doigts mais aussi les mains ? En effet, il n’est pas toujours aisé de taper à 10 doigts sur de tels claviers. L’auriculaire n’est pas un doigt fort et il est court. Donc pour atteindre les touches dont il est responsable, sur l’exemple ci-dessus, la main va probablement devoir bouger.

Sur un clavier minimaliste

Cet exemple, relativement extrême, illustre très simplement comment atteindre cet objectif de rééquilibrage. Chaque doigt (dont le pouce) est responsable de 3 touches à l’exception de l’index qui en gère 6 sur 2 colonnes. La main n’a alors aucun besoin de bouger, chaque touche étant à distance raisonnable de chaque doigt.

Néanmoins, ce type de clavier a peu de touches et impose alors une utilisation différente du clavier classique.

S’entraîner

Maintenant que nous avons la théorie, il faut la mettre en pratique. Avant de vous lancer dans le grand bain, je vous conseille de vous entraîner sur ce site : keybr, que je trouve bien fait et qui diffère de beaucoup d’autres dans son approche de l’apprentissage. Il commence avec un alphabet réduit et votre but sera de débloquer la lettre courante, qu’il vous fera travailler sur chaque mots. Ne cherchez pas à comprendre les mots car il les génère en tentant de rester au plus proche de la langue pour laquelle vous vous entraînez. Vous serez probablement étonné de la vitesse que vous arriverez à avoir en vous entraînant sur ce site. Sachez que la réalité sera toute autre quand vous taperez de vrais textes et quand vous taperez ce que vous êtes en train de penser. Sachez que j’ai passé 15h (étalées sur une dizaine de jours) pour débloquer toutes les lettres sur keybr pour la disposition Qwerty, sans jamais avoir regardé mon clavier et en utilisant les 10 doigts dans les règles de l’art.

Lorsque vous êtes plutôt à l’aise pour taper, vous pourrez vous entraîner sur des textes. J’ai personnellement apprécié les 3 sites suivants (dont les 2 derniers sont spécifiques au français) : monkeytype, bépoète et dactylotest.

Vous constaterez que c’est plus compliqué que keybr car vous avez de la ponctuation en plus, les majuscules à gérer, des accents parfois rares… Mais c’est au plus proche de ce que vous serez amené à écrire ensuite.

Pour information, la moyenne nationale de frappe en France est de 40 mots par minute. Le record absolu est de 216 mots par minute, sur une machine à écrire, en 1946 ! Respect.

Mais je pense que votre objectif premier ne doit pas être la vitesse de frappe mais plutôt le confort de frappe. La vitesse viendra naturellement lorsque votre mémoire musculaire sera faite. Car taper vite est possible même dans l’inconfort, votre corps s’adapte. Taper à 10 doigts sans regarder son clavier est déjà une première approche vers le confort. Mais en fait vous pouvez aller plus loin…

Le choix d’une disposition

Azerty ça doit vous parler. Qwerty peut-être aussi !? Mais si je vous dis Dvorak ou Bépo vous me répondrez peut-être “kezako ?” ou “kamoulox”. Azerty est la disposition de touche par défaut qui est utilisée en France, donc celle que vous utilisez probablement depuis toujours. Et Qwerty est celle utilisée pour l’anglais.

L’héritage des machines à écrire

Qwerty et Azerty

Savez-vous qu’Azerty existe depuis les années 1890 (et Qwerty vers 1880) ? Ces dispositions ont été pensées par rapport aux contraintes physiques/mécaniques de la machine à écrire. En effet, l’appui sur une touche entraîne la course d’un bras muni d’une tête pour frapper un caractère sur le papier. L’objectif de Qwerty (dont Azerty n’est qu’une simple adaptation au français) a été de limiter les collisions lors de cette course, notamment pour les lettres souvent tapées ensemble (on considère souvent des diagrammes, couples de lettres, qui dépendent de chaque langue).

Donc ces dispositions n’ont jamais été pensées pour être ergonomiques. On peut alors s’interroger sur la pertinence de continuer aujourd’hui à utiliser une telle disposition, à l’heure où les contraintes physiques de la machine à écrire sont derrière nous.

La disposition physique des touches

Sachez aussi que les touches en quinconce sont l’héritage des machines à écrire. Des gens se sont penchés sur la question et ont proposé d’autres options : ortholinéaire et colonne.

Il n’existe pas, a priori, d’étude prouvant qu’un agencement physique est mieux qu’un autre.

En quinconce

Les touches sont sur des lignes mais il n’y a pas de colonne, mais plutôt des diagonales faisant que les touches sont en quinconce.

L’ortholinéaire

Une simple matrice : lignes et colonnes.

En colonne

Les touches sont en colonne, mais on constate des décalages entre les touches d’une même ligne. Ces décalages sont là pour tenir compte de la longueur des doigts. Par exemple, on voit que le O est assez bas par rapport au I car il est accédé par l’auriculaire, plus petit que l’annulaire.

Un bref historique de disposition

Revenons à la disposition des touches sur un clavier. Il en existe en fait des dizaines, voire des centaines simplement en considérant l’anglais et le français. Il y eut plusieurs propositions de dispositions orientées sur l’ergonomie et ce dès la fin du 18ème siècle. Dans les années 1930, la disposition Dvorak est apparue, spécialisée pour l’anglais, en s’affranchissant des contraintes de la machine à écrire et en ayant pour objectif le confort de frappe. À ce jour, cette disposition est encore utilisée et a été déclinée de nombreuses fois.

Bien plus tard, des travaux ont été entrepris pour le français, avec plus ou moins de succès. Mais en 2009, la disposition Bépo est sortie, totalement orientée pour optimiser la frappe du français. En 2019, elle est même normalisée par l’Afnor, ce qui lui donne une certaine reconnaissance. Il existe là aussi de nombreuses variantes de cette disposition.

Comment choisir une disposition ?

On peut citer d’autres dispositions orientées pour le français : dvorak-fr, optimot… Et c’est là le problème, ça peut devenir compliqué de choisir. Chaque disposition a ses avantages et il est important de comprendre la philosophie qui se cache derrière sa création.

C’est en effet un point crucial : pourquoi et comment la disposition a été pensée ? Les choix seront différents selon que l’on souhaite gérer le français seul ou que l’on souhaite y ajouter l’anglais. Ensuite, il existe tout un tas d’études cognitives et sur l’ergonomie des mains et des doigts lors de la frappe (leur déplacement, l’enchaînement de mouvement d’un même doigt…). Chaque auteur peut alors piocher dans tout cela pour faire ses choix.

Il ne me paraît pas concevable de choisir une disposition pour laquelle il n’existerait aucune documentation expliquant sa raison d’être au minimum.

La difficulté du changement

Alors c’est vrai franchir le cap de changer ses habitudes est quelque chose qui n’est pas simple. Mais on sous-estime notre capacité à nous adapter. Il faudra de l’entraînement c’est sûr et accepter de perdre en vitesse de frappe, le temps que la mémoire musculaire se fasse. Il faut voir cela comme un investissement.
Et cet apprentissage dépend de chaque individu. Par exemple, j’ai mis 14h (étalées sur 2 semaines) pour apprendre Bépo sur keybr le soir et en utilisant Qwerty au quotidien. Mon collègue Nicolas a mis seulement 5h (étalées sur plusieurs semaines) mais en utilisant la disposition au quotidien.

Conclusion

Par cet article, j’espère vous avoir ouvert l’esprit sur l’usage de votre clavier. Faîtes en sorte de ne plus le subir et que son usage soit votre choix et non pas celui qui s’impose à nous par défaut. 

Il n’y a pas de meilleur choix, chacun fera en fonction de ce qu’il recherche et de l’effort qu’il est prêt à mettre dans cette démarche. Nous avons vu que cela peut aller du simple usage d’un clavier externe jusqu’à changer de disposition.

Il y aurait tant d’autres choses à dire sur le sujet. Peut-être pour un prochain article…

PS : je remercie les sites dont j’ai tiré les images. J’ai volontairement choisi plein de sources différentes, ne voulant pas privilégier un site plutôt qu’un autre, notamment pour les achats. Je vous laisse, cher·ère·s lecteur·rice·s, la responsabilité de faire vos propres recherches.

Article publié dans la catégorie 4SH UX.

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